jeudi 26 juin 2014

Des chèvres et des moutons

Une prédication donnée à l'église baptiste de Grenoble, le 22 juin 2014. Nous avions reçu une invitée qui nous parlait d'un projet pour accueillir les étrangers.

Matt 25:31-46

Mon choix de texte se matin est motivé bien sur pour le verset 35: "j'étais un étranger et vous m'avez accueilli", en lien avec la présence de A-M ce matin.

Il s'agit d'un texte pas confortable à lire, qui remet en question – qui nous invite à réfléchir plus profondément sur notre manière de vivre en tant que chrétiens.

Mais il s'agit aussi d'un texte qui peut être un peu piège pour nous. Un lecture de 1ier degré, à la va-vite, peut nous laisser avec une interprétation certes simple, mais qui est en réalité peu satisfaisant...

Jésus évoque ici le jugement dernier. Le Fils de l'homme viendra dans sa gloire et tous les peuples de le terre se rassembleront devant lui. Et il y aura un tri. Certains, "les moutons", vont recevoir la vie avec Dieu pour toujours et d'autres, "les chèvres", vont recevoir une punition éternelle. L'enjeu est donc énorme. Car il s'agit de notre destin éternel. Il vaut mieux ne pas se tromper dans notre compréhension de la base de ce tri.

Et il semble qu'il y aura un lien entre notre manière de vivre, et le tri.


v34,35

Alors le roi dira à ceux qui sont à sa droite : “Venez, vous que mon Père bénit. Recevez le Royaume que Dieu vous a préparé depuis la création du monde. En effet, j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger. J'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire. J'étais un étranger, et vous m'avez accueilli.

Et ainsi de suite

v41,42....

Ensuite, le roi dira à ceux qui sont à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, Dieu vous maudit ! Allez dans le feu qui ne s'éteint pas, et qu'on a préparé pour l'esprit du mal et pour ses anges ! En effet, j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger. J'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire. 

Etcetera...

Alors, ce texte serait-il en train de nous dire que notre destin éternel dépendra de nos actions sur terre ?


Est-ce que nous sommes OK avec cette interprétation ?

Certes c'est une interprétation qui peut motiver à l'action. Mais c'est aussi une interprétation qui peut nous paralyser par la peur de ne pas faire assez. Et puis finalement, pour juger une interprétation , la question n'est pas tellement "est-ce qu'elle me motive, ou est-ce qu'elle me fait peur" mais plutôt "est-ce que c'est fidèle à l'enseignement de Jésus". Et pour moi, l'idée que ce texte nous parle d'un jugement basé sur nos actions me pose problème à 2 niveaux:

  • Première problème – celle de ce qu'on pourrait appeler "la justice naturelle". En apprenant leur sort, les 2 groupes posent la même question; "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu ?" Aussi bien les moutons que les chèvres. Ça nous montre que leurs actions étaient inconscients. Certains sont recomposés pour un bien qu'il ne savait pas faire – d'autres sont condamnés pour des négligences qu'ils ignoraient... Ça a l'aire terriblement aléatoire. Y-a-t-il vraiment justice ?
  • Et puis, deuxième problème, ça me pose un problème théologique... Car en tant que protestants, normalement nous sommes assez attachés à l'idée du salut par la grâce. Nous sommes-nous trompés ? Le salut serait-il finalement une question d'effort de notre part ? Ou est la grâce dans cette histoire.

Pour mieux comprendre, revenons à cet image utilisé par Jésus:

On rassemblera tous les peuples devant lui. Et il séparera les gens les uns des autres, comme le berger sépare les moutons des chèvres.  .

Le berger ne cherche pas à distinguer entre les bons et les mauvais moutons (ni d’ailleurs entre les bons et les mauvais chèvres). Il distingue simplement entre les moutons et les chèvres.

Dans les pays du nord, il est assez facile de faire la différence entre un mouton et un chèvre simplement en les regardant. Ils n'ont pas la même forme. Même de loin, on ne risquera pas trop de les mélanger

Mais en fait, ce n'est pas toujours si simple. Les moutons et les chèvres tiennent un place très très similaire vis à vis de l'être humain: elles donnent du lait, qui se transforme en fromage. On peut manger la viande des deux – je pense à un curry cabri délicieux que j'ai mangé en Martinique – et si c'est plutôt aux moutons qu'on pense quand on pense à la laine, ce sont les chèvres qui donnent du cachemire – cette laine de luxe.


Et en fait, même visuellement il n'est pas toujours si simple que ça de les distinguer. Quand en va vers le sud - en Grèce, ou dans d'autres pays du méditerranée, on découvre des moutons tout maigres, avec des longues jambes et les oreilles pointues, bref, elles se ressemblent pas mal à des chèvres. Et certains chèvres rappellent étonnement les moutons – et on plus ils sont tous mélangés sur les mêmes collines et elle mangent les mêmes chose. Et il faut donc que le berger regarde bien pour les départager...

Je ne connais pas quel critère les bergers du temps de Jésus utilisait pour distinguer entre leurs chèvres et leurs moutons. Mais Jésus nous dit quel critère il va utiliser. C'est en regardant notre comportement... Mais attention – il faut éviter de tomber dans le piège ici. Ce n'est pas par notre comportement que nous devenons mouton. Il faut raisonner dans l'autre sens. C'est notre comportement qui permet de voir qu'on est mouton. Vous voyez la différence ?

Voilà donc la place de nos actions dans cette question de jugement: – c'est notre comportement de mouton qui permettra au berger de savoir que nous sommes moutons, c'est vivant une vie d'obéissance, cohérente avec l'enseignement de notre Seigneur, qu'il saura nous nous lui appartenons !

Nous sommes sauvés par la grâce, oui. Mais nous ne sommes pas sauvés pour vivre n'importe comment. Pour reprendre quelque chose que Paul nous a dit la semaine dernière: c'est à cause de sa grâce que Dieu permet que nous venons à lui tels que nous sommes. Mais c'est aussi à cause de sa grâce que Dieu ne se contente pas de nous laisser tels que nous sommes – il a notre transformation en vu.

Et cette transformation, qui est un processus que va durer tout le reste de notre temps sur cette terre, se fait grâce à la présence, grâce à l'action de l'Esprit Saint dans notre vie. A nous de nous rendre disponible, à co-opérer avec lui dans ce travail.

Ça vaut la peine de regarder les comportements qui vont servir à nous démarquer en tant que moutons... Et là, il y a peut-être une surprise pour les bons évangéliques.

Car, dans nos milieux, et depuis pas mal de temps, je pense que quand on pense aux comportements qui permettent de voir que nous sommes des chrétiens, à la mode de vie des bons chrétiens, nous pensons plutôt à ce qu'on pourrait appeler "la moralité personnel" – et très souvent on va formuler par une série d'interdits: ne pas fumer, ne pas (trop) boire (on est quand même en France), ne pas coucher avec n'importe qui. Des attitudes qui ont leurs origines sans doute dans des textes comme Galates 5 avec sa liste de comportements produits par les désirs mauvais.


Mais ici, Jésus parle d'autre chose – il nous invite à des actions positives et qui sont orientées vers les autres, vers le plus vulnérables: donner à manger à ceux qui ont faim et a à boire à ceux qui ont soif, donner des vêtements à ceux qui en ont besoin, accueillir les étrangers, rendre visites aux malades et aux prisonniers. Actes de compassion. Actes de service. Actes qui ont clairement un volet social.

Et Jésus nous dit quelque chose d'extraordinaire – quand nous agissons ainsi, quand nous aidons les faibles, les vulnérables – c'est Jésus lui-même que nous servons. Car il est présent dans les faibles, les vulnérables, ceux qu'il honorent en les appelant "ses frères".
Ne passons donc pas à coté des occasions qui se présentent à nous pour le servir, pour le rencontrer de cette manière...

Bien sur, nous sommes chacun appelé à cette service en tant qu'individu. A-M nous a parlé toute à l'heure d'un projet dans lequel en peut s'investir en tant qu'individu ou famille, et il existe bien sur plein d'autres, selon nos capacités, nos dons différents.

Mais il faut aussi remarquer que Jésus parle ici au pluriel. Quand il dit vous, il n'est pas en train de s'adresse à une seule personne en étant poli – il parle au pluriel. Jésus s'adresse à ses disciples réunis en communauté. Donc s'intéresser à et tant communauté chrétien à des sujets tels que l'accueil des étrangers, le problème des inégalités dans l'accès à la nourriture, les conditions des prisonniers trouve toute sa légitimité à la lumière de ces paroles – que ce soit en assemblé local, en regroupement d'assemblés ou en tant qu'organisations nationales ou internationales. J'irai plus loin – il n'est non seulement légitime de s'intéresser à ces sujets en tant que chrétiens, ça fait partie intégrante de notre mission, de notre raison d'être. Et c'est pour cela que les chrétiens se permettent aussi d'interpeller la société en général à ses sujets. Par exemple, lors de notre Congrès Annuel il y a quelques semaines, notre Fédération a voté un vœux qui nous engage à interpeller le ministère des Affaires sociales et ministère de la Justice concernant la situation des Mineurs Isolés Étrangers (MIE). Car si nous ne nous engageons pas à coté des faibles, des vulnérables, malgré la commande directe de notre Seigneur ici, qui d'autre le fera à notre place ?


Pour terminer, je voudrais revenir à cette question de moutons et de chèvres avec la question: "si dans cette histoire je crains d'être plus chèvre que mouton, que faire ?" Or, il me semble qu'il y a plusieurs possibilités ici:

  • re-regardons le verset 37: "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu...?" Certains ont tendance à se culpabiliser pour un oui comme pour un non. Mais le texte nous dit que nous ne serons pas toujours conscients que nous sommes en train de servir le Seigneur... Si nous somme au clair avec lui, si nous faisons de notre mieux de vivre d'une manière cohérente entre nos convictions et nos actions, je pense qu'il faut pas qu'on s'angoisse à ce sujet – Jésus nous connait, il sait ce que nous faisons, nous lui appartenons...
  • Par contre, il ne faut pas prendre cela comme prétexte pour rien faire. Car ce texte est clairement un appel à agir, à ne pas nous lasser de faire le bien (Gal 6). Si ce texte est en train de nous interpeller, de nous dire qu'on pourrait faire plus, ou bien qu'on a un peu négligé cet aspect là, il n'est jamais trop tard pour commencer – à chercher des moyens pour nous engager à coté de ceux qui ont besoin de quelque chose que nous pouvons amener...

Et puis il y a encore un possibilité. Ça peut arriver qu'on a le sentiment d'être un chèvre, parce qu'on justement, on est chèvre...

Que faire dans ce cas ? S'agit-il de déployer toutes ses forces pour se comporter comme mouton ?

Mais ça ne va pas marcher...

Un chèvre ne peut pas se transformer en mouton en imitant le comportement des moutons. Le berger ne sera pas dupe...

Pour qu'un chèvre devient mouton, il faudrait qu'il retourne dans le ventre de sa mère, pour renaître, non pas en chevreau mais on agneau. Et ça, dans la nature, on le sait bien, c'est impossible... Dans la nature peut-être, mais pas avec le Seigneur. Car la bonne nouvelle de ce texte, est que personne n'est obligé de rester chèvre. On veut devenir mouton ? On le peut – non pas par la force de son bras, ou le sueur de son front – mais simplement en se tournant vers Jésus et en l'acceptant comme Seigneur et Sauveur...


Car le Fils de l'homme que nos voyons ici dans toute sa gloire, assis sur son trône du roi est aussi le berger qui connaît son troupeau et qui à compassion de lui. Il est aussi celui qui s'identifie avec les plus pauvres, les plus démunis et les appelant "frères", celui qui est venu chercher les perdus pour les ramener à son père, celui qui est "l'agneau de Dieu qui est mort pour enlever le pêché du monde". Faisons lui donc confiance. Confiance pour nous engager auprès de lui, pour devenir mouton de son troupeau, et confiance pour obéir à sa voix, et pour vivre selon ses paroles.

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