Une prédication donnée à l'église baptiste de Grenoble, le 22 juin 2014. Nous avions reçu une invitée qui nous parlait d'un projet pour accueillir les étrangers.
Matt 25:31-46
Mon choix de texte se
matin est motivé bien sur pour le verset 35: "j'étais un
étranger et vous m'avez accueilli", en lien avec la présence
de A-M ce matin.
Il s'agit d'un texte pas confortable à lire, qui remet en question – qui nous invite à
réfléchir plus profondément sur notre manière de vivre en tant
que chrétiens.
Mais il s'agit aussi d'un
texte qui peut être un peu piège pour nous. Un lecture de 1ier degré, à la va-vite, peut nous laisser avec une interprétation certes simple, mais qui est en réalité peu satisfaisant...
Jésus évoque ici le
jugement dernier. Le Fils de l'homme viendra dans sa gloire et tous
les peuples de le terre se rassembleront devant lui. Et il y aura un
tri. Certains, "les moutons", vont recevoir la vie avec
Dieu pour toujours et d'autres, "les chèvres", vont
recevoir une punition éternelle. L'enjeu est donc énorme. Car il
s'agit de notre destin éternel. Il vaut mieux ne pas se tromper dans
notre compréhension de la base de ce tri.
Et il semble qu'il y aura
un lien entre notre manière de vivre, et le tri.
v34,35
Alors
le roi dira à ceux qui sont à sa droite : “Venez, vous que
mon Père bénit. Recevez le Royaume que Dieu vous a préparé depuis
la création du monde. En effet, j'ai eu faim, et vous m'avez
donné à manger. J'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire.
J'étais un étranger, et vous m'avez accueilli.
Et ainsi de suite
v41,42....
Ensuite,
le roi dira à ceux qui sont à sa gauche : “Allez-vous-en
loin de moi, Dieu vous maudit ! Allez dans le feu qui ne
s'éteint pas, et qu'on a préparé pour l'esprit du mal et pour ses
anges ! En effet, j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné
à manger. J'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire.
Etcetera...
Alors, ce texte serait-il
en train de nous dire que notre destin éternel dépendra de nos
actions sur terre ?
Est-ce
que nous sommes OK avec cette interprétation ?
Certes c'est une interprétation qui peut motiver à l'action. Mais c'est aussi une interprétation qui peut nous paralyser par la peur de ne pas faire
assez. Et puis finalement, pour juger une interprétation , la
question n'est pas tellement "est-ce qu'elle me motive, ou est-ce qu'elle me fait peur" mais plutôt "est-ce que c'est
fidèle à l'enseignement de Jésus". Et pour moi, l'idée que
ce texte nous parle d'un jugement basé sur nos actions me pose
problème à 2 niveaux:
Première problème –
celle de ce qu'on pourrait appeler "la justice naturelle".
En apprenant leur sort, les 2 groupes posent la même question;
"Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu ?" Aussi bien
les moutons que les chèvres. Ça nous montre que leurs actions
étaient inconscients. Certains sont recomposés pour un bien qu'il
ne savait pas faire – d'autres sont condamnés pour des
négligences qu'ils ignoraient... Ça a l'aire terriblement
aléatoire. Y-a-t-il vraiment justice ?
Et puis, deuxième
problème, ça me pose un problème théologique... Car en tant que
protestants, normalement nous sommes assez attachés à l'idée du
salut par la grâce. Nous sommes-nous trompés ? Le salut serait-il
finalement une question d'effort de notre part ? Ou est la grâce
dans cette histoire.
Pour mieux comprendre,
revenons à cet image utilisé par Jésus:
On
rassemblera tous les peuples devant lui. Et il séparera les gens les
uns des autres, comme le berger sépare les moutons des chèvres.
.
Le berger ne cherche pas à
distinguer entre les bons et les mauvais moutons (ni d’ailleurs entre les bons et les mauvais chèvres). Il distingue simplement
entre les moutons et les chèvres.
Dans les pays du nord, il
est assez facile de faire la différence entre un mouton et un chèvre
simplement en les regardant. Ils n'ont pas la même forme. Même de
loin, on ne risquera pas trop de les mélanger
Mais en fait, ce n'est pas
toujours si simple. Les moutons et les chèvres tiennent un place
très très similaire vis à vis de l'être humain: elles donnent du
lait, qui se transforme en fromage. On peut manger la viande des
deux – je pense à un curry cabri délicieux que j'ai mangé en
Martinique – et si c'est plutôt aux moutons qu'on pense quand on
pense à la laine, ce sont les chèvres qui donnent du cachemire –
cette laine de luxe.
Et
en fait, même visuellement il n'est pas toujours si simple que ça
de les distinguer. Quand en va vers le sud - en Grèce, ou dans
d'autres pays du méditerranée, on découvre des moutons tout
maigres, avec des longues jambes et les oreilles pointues, bref,
elles se ressemblent pas mal à des chèvres. Et certains chèvres
rappellent étonnement les moutons – et on plus ils sont tous
mélangés sur les mêmes collines et elle mangent les mêmes chose.
Et il faut donc que le berger regarde bien pour les départager...
Je ne connais pas quel
critère les bergers du temps de Jésus utilisait pour distinguer
entre leurs chèvres et leurs moutons. Mais Jésus nous dit quel
critère il va utiliser. C'est en regardant notre comportement...
Mais attention – il faut éviter de tomber dans le piège ici. Ce
n'est pas par notre comportement que nous devenons mouton. Il faut
raisonner dans l'autre sens. C'est notre comportement qui permet de
voir qu'on est mouton. Vous voyez la différence ?
Voilà donc la place de
nos actions dans cette question de jugement: – c'est notre
comportement de mouton qui permettra au berger de savoir que nous
sommes moutons, c'est vivant une vie d'obéissance, cohérente avec
l'enseignement de notre Seigneur, qu'il saura nous nous lui
appartenons !
Nous sommes sauvés par la
grâce, oui. Mais nous ne sommes pas sauvés pour vivre n'importe
comment. Pour reprendre quelque chose que Paul nous a dit la semaine
dernière: c'est à cause de sa grâce que Dieu permet que nous
venons à lui tels que nous sommes. Mais c'est aussi à cause de sa
grâce que Dieu ne se contente pas de nous laisser tels que nous
sommes – il a notre transformation en vu.
Et cette transformation,
qui est un processus que va durer tout le reste de notre temps sur
cette terre, se fait grâce à la présence, grâce à l'action de
l'Esprit Saint dans notre vie. A nous de nous rendre disponible, à
co-opérer avec lui dans ce travail.
Ça vaut la peine de
regarder les comportements qui vont servir à nous démarquer en tant
que moutons... Et là, il y a peut-être une surprise pour les bons
évangéliques.
Car, dans nos milieux, et
depuis pas mal de temps, je pense que quand on pense aux
comportements qui permettent de voir que nous sommes des chrétiens,
à la mode de vie des bons chrétiens, nous pensons plutôt à ce
qu'on pourrait appeler "la moralité personnel" – et
très souvent on va formuler par une série d'interdits: ne pas
fumer, ne pas (trop) boire (on est quand même en France), ne pas
coucher avec n'importe qui. Des attitudes qui ont leurs origines sans
doute dans des textes comme Galates 5 avec sa liste de comportements
produits par les désirs mauvais.
Mais
ici, Jésus parle d'autre chose – il nous invite à des actions
positives et qui sont orientées vers les autres, vers le plus
vulnérables: donner à manger à ceux qui ont faim et a à boire à
ceux qui ont soif, donner des vêtements à ceux qui en ont besoin, accueillir les étrangers, rendre visites aux malades et aux
prisonniers. Actes de compassion. Actes de service. Actes qui ont
clairement un volet social.
Et Jésus nous dit quelque
chose d'extraordinaire – quand nous agissons ainsi, quand nous
aidons les faibles, les vulnérables – c'est Jésus lui-même que
nous servons. Car il est présent dans les faibles, les vulnérables,
ceux qu'il honorent en les appelant "ses frères".
Ne passons donc pas à
coté des occasions qui se présentent à nous pour le servir, pour
le rencontrer de cette manière...
Bien sur, nous sommes
chacun appelé à cette service en tant qu'individu. A-M nous
a parlé toute à l'heure d'un projet dans lequel en peut s'investir
en tant qu'individu ou famille, et il existe bien sur plein d'autres,
selon nos capacités, nos dons différents.
Mais il faut aussi
remarquer que Jésus parle ici au pluriel. Quand il dit vous,
il n'est pas en train de s'adresse à une seule personne en étant
poli – il parle au pluriel. Jésus s'adresse à ses disciples
réunis en communauté. Donc s'intéresser à et tant communauté
chrétien à des sujets tels que l'accueil des étrangers, le
problème des inégalités dans l'accès à la nourriture, les
conditions des prisonniers trouve toute sa légitimité à la lumière
de ces paroles – que ce soit en assemblé local, en regroupement
d'assemblés ou en tant qu'organisations nationales ou
internationales. J'irai plus loin – il n'est non seulement légitime
de s'intéresser à ces sujets en tant que chrétiens, ça fait
partie intégrante de notre mission, de notre raison d'être. Et
c'est pour cela que les chrétiens se permettent aussi d'interpeller
la société en général à ses sujets. Par exemple, lors de notre
Congrès Annuel il y a quelques semaines, notre Fédération a voté
un vœux qui nous engage à interpeller le ministère des Affaires
sociales et ministère de la Justice concernant la situation des
Mineurs Isolés Étrangers (MIE). Car si nous ne nous engageons pas à
coté des faibles, des vulnérables, malgré la commande directe de
notre Seigneur ici, qui d'autre le fera à notre place ?
Pour
terminer, je voudrais revenir à cette question de moutons et de
chèvres avec la question: "si dans cette histoire je crains
d'être plus chèvre que mouton, que faire ?" Or, il me semble
qu'il y a plusieurs possibilités ici:
re-regardons le
verset 37: "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu...?"
Certains ont tendance à se culpabiliser pour un oui comme pour un
non. Mais le texte nous dit que nous ne serons pas toujours conscients que nous sommes en train de servir le Seigneur... Si nous
somme au clair avec lui, si nous faisons de notre mieux de vivre
d'une manière cohérente entre nos convictions et nos actions, je
pense qu'il faut pas qu'on s'angoisse à ce sujet – Jésus nous
connait, il sait ce que nous faisons, nous lui appartenons...
Par contre, il ne
faut pas prendre cela comme prétexte pour rien faire. Car ce texte
est clairement un appel à agir, à ne pas nous lasser de faire le
bien (Gal 6). Si ce texte est en train de nous interpeller, de nous
dire qu'on pourrait faire plus, ou bien qu'on a un peu négligé cet aspect là, il n'est jamais trop tard pour commencer – à chercher
des moyens pour nous engager à coté de ceux qui ont besoin de
quelque chose que nous pouvons amener...
Et puis il y a encore un
possibilité. Ça peut arriver qu'on a le sentiment d'être un chèvre,
parce qu'on justement, on est chèvre...
Que faire dans ce cas ?
S'agit-il de déployer toutes ses forces pour se comporter comme
mouton ?
Mais ça ne va pas
marcher...
Un chèvre ne peut pas se
transformer en mouton en imitant le comportement des moutons. Le
berger ne sera pas dupe...
Pour qu'un chèvre devient
mouton, il faudrait qu'il retourne dans le ventre de sa mère, pour renaître, non pas en chevreau mais on agneau. Et ça, dans la nature,
on le sait bien, c'est impossible... Dans la nature peut-être, mais
pas avec le Seigneur. Car la bonne nouvelle de ce texte, est que
personne n'est obligé de rester chèvre. On veut devenir mouton ? On
le peut – non pas par la force de son bras, ou le sueur de son
front – mais simplement en se tournant vers Jésus et en
l'acceptant comme Seigneur et Sauveur...
Car le Fils de l'homme que
nos voyons ici dans toute sa gloire, assis sur son trône du roi est
aussi le berger qui connaît son troupeau et qui à compassion de
lui. Il est aussi celui qui s'identifie avec les plus pauvres, les
plus démunis et les appelant "frères", celui qui est
venu chercher les perdus pour les ramener à son père, celui qui
est "l'agneau de Dieu qui est mort pour enlever le pêché du
monde". Faisons lui donc confiance. Confiance pour nous engager
auprès de lui, pour devenir mouton de son troupeau, et confiance
pour obéir à sa voix, et pour vivre selon ses paroles.